post putassier
aucune concession, droit à l'essentiel en ce samedi pluvieux en caleçon mickey.
aucune concession, droit à l'essentiel en ce samedi pluvieux en caleçon mickey.
"Tu vois, moi gamin, je suis de l'ancienne école."
- De l'ancienne école?
- Oui. Quand je rentre du boulot, je ne fous strictement rien, je me mets les pieds sous la table. Pareil pour les fringues, elles tombent où je les balance. C'est ma femme qui fait tout.
- Elle bosse pas?
- Si. Mais elle s'organise, elle va se coucher tard.
- Tu m'en diras tant. Et quand elle part voir sa vieille mère? Tu fais comment?
- Elle prépare tout avant de partir. Sur huit chaises alignées, elle pose huit pantalons, huit chemises et huit cravates. Pour la bouffe, je vais au restaurant. Et puis de toute façon, elle part jamais.
ses yeux sont gris ou bleus ou verts selon que le soleil vient taper dedans. des yeux félins et rieurs. une coupe à la garçonne ébouriffée, un joli sourire.
là bas on voit les fumées de l'usine de meubles, mais avant il y a des bosquets, des collines et des vaches et c'est beau.
notre premier soir a de la prestance.
Il ferme la porte, s'assoit, tire son nez entre ses doigts. Le pouce et l'index. Réflexion in peto, un nez de rapace.
- Dites moi ce que vous pensez de votre stage... attaque-t-il.
Un rayon de soleil vient taper droit sur la chaise moelleuse dans laquelle je m'enfonce.
Je sue.
Je me lance dans un long babil dans lequel j'énumère toutes les vieilles scies qu'un stagiaire doit sortir à chaque maître de stage.
Je sens une goutte qui coule le long de mon flanc.
Et puis ensuite il me propose de m'embaucher en septembre, et je dis oui.
Oh merde.
je regarde le rôti de veau. délicatement
posé sur un lit de choux fleurs, eux même fourrés dans un tupperware de
forme cubique vaguement transparent, à chapeau bleuâtre. la viande
réchauffée au micro-onde a des bords relevés, une collerette de
gélatine.
la fourchette se plante dedans, et je m'escrime
avec mon couteau pour découper la viande. si on me regardait, on
pourrait s'imaginer un oiseau grotesque essayant de s'envoler, sans se
rendre compte qu'en lieu et place de ses ailes ne subsistent que deux
moignons.
indifférente, une serveuse passe et repasse, portant
des plats. j'espère toujours qu'elle crache dedans, oubliant que je
suis là. ça n'arrive jamais.
la ventilation, un espace
circulaire pratiqué dans la vitre dans lequel s'agite vainement une
hélice blanche, émet un zonzonnement d'insecte ailé.
j'allais
presque saisir la totale vacuité de l'existence, et puis je suis sorti.
sur le quai, la rivière défile. l'air est balayé d'une brise qui rend
vain les efforts de cuisson du soleil.
cyclothymie.
la divinité massive et obtuse du premier étage se dresse devant moi. grosse forme parallélépipédique et droite et sournoise. pour me laisser passer, son bruissant cortège de fidèles s'est écarté comme avec regret.
après avoir glissé en elle mon obole, elle me livre plusieurs options, avec plus ou moins de sucre.
j'imagine brièvement un potage sucré, réprime un rictus de dégoût et appuie sur "café long".
bruit
complexe d'automate, un gobelet tombe dans une pince, se remplit au
huitième de poudre brune, de l'eau chaude s'écoule dans un bruit de
chiasse carabinée et se mêle à la poudre.
ma médication contre l'ennui étant obtenue, je me l'administre assis sur ma chaise pivotante, en donnant de légers coups de talon dans son moyeu central.
ô mânes, qu'êtes vous devenues?
si je prends de l'élan à travers la salle où dorment en paix les gisants de papier, que je continue à fond de train sur la largeur du bureau d'étude, tables en bois clair recouverte d'une plaque de verre et écran plats, que je me jette à travers la fenêtre double vitrage avec insert de gaz argon, en admettant qu'elle pète, j'aurais vraissemblablement l'illusion de pouvoir tomber dans la rivière pendant un dixième de seconde, le temps approximativement nécessaire pour m'éclater sur la bande d'asphalte chaud en contrebas.
tout ça pour dire que je travaille dans un bâtiment près de quai, et qu'en ces périodes quasi estivale, je vois défiler une bonne centaine de jolies filles par jour et que pas une ne lève les yeux. elle m'y verrait avec mon gobelet de plastique beige type personnal computer en 1983, frustré de soleil et de galvaudage.
l'oeil m'observe intensément.
enchâssé dans le pommeau de douche, il ne possède pas de paupière. son
iris noir me fascine et m'attire. j'observe quelques veinules sans
doute irritées par le tartre en périphérie.
fatigué
de sentir sa présence, je tourne les robinets d'eau chaude et d'eau
froide. éjecté par la pression, il atterrit à mes pieds. d'un coup de
talon je l'éclate et l'envoie vers le receveur dont la grille retient
une pelotte de poil et de cheveux. il s'y glisse comme un oeuf qu'on
laisse couler dans la poelle après en avoir brisé la coquille.
j'ai vraiment besoin de partir. la routine, les habitudes sont si faciles à prendre.